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CFDT Crédit Agricole Languedoc

Projet Pacte : du positif et un regret pour Nicole Notat

25 Juillet 2018, 23:05pm

Publié par CFDT CA Languedoc

Projet Pacte : du positif et un regret pour Nicole Notat

Devant des députés, la présidente de Vigéo a défendu l’inscription de « l’intérêt social » de l’entreprise dans le code civil. La déception est palpable sur le sujet de l’augmentation du nombre d’administrateurs salariés dans les conseils.
 

« Est-ce que l’on s’y retrouve ? Pas tout à fait ». Invitée à s’exprimer devant la commission spéciale de l’Assemblée nationale sur le projet PACTE (projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises), mercredi dernier, Nicole Notat, présidente de Vigéo Eiris, analyse la reprise des recommandations de son rapport - remis au gouvernement le 9 mars et co-rédigé avec Jean-Dominique Senard, président de Michelin - dans le texte de loi. Côté « raison d’être de l’entreprise », la version du gouvernement est fidèle à leurs conclusions. Ce qui n’est pas le cas du volet « administrateurs salariés » au sein des conseils d’administration. Explications.

Le PACTE propose l’introduction, à l’article 1833 du code civil, de la mention suivante : « La société est gérée dans son intérêt social, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son action ». Cet intérêt s’ajouterait à « l’intérêt commun des associés », déjà mentionné à l’article. Le projet de loi entend aussi modifier l’article 1835 pour y prévoir que les statuts d’une société puissent « préciser la raison d’être dont la société entend se doter dans la réalisation de son activité ».

« C’est une obligation de moyen » pour les entreprises qui décideraient d’utiliser cette faculté, précise Nicole Notat. Sauf pour les entreprises à mission pour lesquelles l’obligation est « de résultat ». Et chacune devra la définir « à son niveau », en fonction de son développement à l’international ou en France, par exemple. De plus, « ce que peut faire une assemblée générale, une autre peut le défaire », indique-t-elle. En cas de rachat ou de cession d’une société, ses statuts seront donc à nouveau modifiables dans le sens d’une utilisation - ou non - de la disposition de la loi par le conseil d’administration fraîchement mis en place.

 

« Nous allons charger la barque »

 

Pourquoi « modifier le code civil pour toutes les sociétés » ? « Les sociétés commerciales et industrielles sont bien à part », estime Jean-Paul Mattei (Mouvement démocrate et apparentés ; Pyrénées-Atlantiques) après l’intervention de Nicole Notat. Il s’interroge aussi sur le contrôle, en pratique, de l’activité de l’entreprise dans l’intérêt social défini. Faudra-t-il en faire état « dans le rapport de gestion ? Le commissaire aux comptes devra-t-il donner l’alerte ? ». « S’il y a une obligation de faire dans la gestion du quotidien, nous allons charger la barque », notamment des PME.

Laure de la Raudière (UDI, Agir et Indépendants ; Eure-et-Loire), se montre aussi sceptique :

« La réglementation existante en matière sociale et environnementale est particulière forte [en France]. En rajoutant l’inscription dans le code civil, il y aura une contrainte supplémentaire trop forte par rapport à la compétition mondiale », pour les entreprises.

Mais d’autres députés apprécient la démarche : « les entreprises et les dirigeants ne sont pas uniquement au service des actionnaires », lance Patrice Anato (LREM ; Seine-Saint-Denis).

Intégrer les enjeux sociaux et environnementaux, auxquels fait face son entreprise, c’est « prendre de l’avance sur ses concurrents », selon Nicole Notat. Car la RSE ne doit pas être vue comme « un coût » mais plutôt comme « une opportunité » et un élément de « différenciation compétitive » aux yeux des clients de l’entreprise. Et les articles du projet de loi invitent seulement les sociétés « à se saisir du sujet et à en tirer le maximum de profit », insiste-t-elle.

 

Déception

 

Deuxième élément du rapport repris par le projet PACTE, celui de l’augmentation du nombre d’administrateurs salariés. Dans les entreprises de plus de 1 000 salariés en France (ou 5 000 en France et à l’étranger), deux administrateurs salariés deviendraient obligatoires dès lors que le conseil d’administration comprend 8 membres (contre 12 membres actuellement).

Le rapport préconisait la nomination de 3 salariés dans les conseils de 13 membres. Sur ce point, Nicole Notat ne cache pas sa déception : « avoir des salariés au conseil c’est un plus. Ils ont la connaissance de l’entreprise (…) et certain ont une parole singulière qui mérite d’être entendue. (…) Dans le contexte actuel, donner un signal de ce genre cela aurait permis de réconcilier les citoyens avec l’entreprise, de faire évoluer l’image qu’ils en ont, souvent négative ». De plus, elle juge la France capable « de porter ce sujet au niveau européen et mondial ».

Côté députés, certains expriment leur adhésion au projet du gouvernement. « Deux représentants des salariés à partir de 8 administrateurs, c’est une avancée », note par exemple Fadila Khattabi (LREM ; Côte-d’Or).

Les débats reprendront à la rentrée. Et les dépôts d’amendements pourront débuter.

 

 

photo : Nicole Notat et Jean-Dominique Senard, lors de la remise de leur rapport au gouvernement le 9 mars.