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CFDT Crédit Agricole Languedoc

Crédit immobilier : la guerre est déclarée entre banquiers et courtiers

22 Janvier 2020, 07:58am

Publié par CFDT CA Languedoc

Face aux taux d’intérêt bas, les banques veulent renégocier les commissions qu’elles versent à ces intermédiaires. Voire les évincer. Les courtiers ne se laissent pas faire.

Crédit immobilier : la guerre est déclarée entre banquiers et courtiers

Le torchon brûle entre banquiers et courtiers. La fronde est partie d'une banque mutualiste du sud, le Crédit Agricole du Languedoc. La Caisse régionale a ouvert les hostilités fin 2019 en refusant les dossiers arrivés par des courtiers, ces experts qui dénichent les meilleurs crédits immobiliers pour les emprunteurs en faisant jouer la concurrence entre les banques.

Une décision qui a fait l'effet d'un coup de tonnerre dans le milieu feutré des établissements de crédit. Depuis, d'autres sont aux aguets, prêts à lui emboîter le pas. « Les taux sont si faibles que les crédits se font tous seuls, on n'a qu'à se baisser, on n'a plus besoin des courtiers », lance un banquier sous couvert d'anonymat.

L'an dernier, la production de crédits a été supérieure de plus de 20 % aux objectifs que s'étaient fixées les banques. « Plus de 250 milliards d'euros d'emprunts immobiliers ont été accordés en 2019 et 40 % de part du marché de la distribution de crédits est détenue par le courtage, souligne Jérôme Robin, directeur général du courtier Vousfinancer. Chez certaines banques, ce taux monte même à plus de 60 % ! » De quoi faire rêver les banques qui se verraient bien « supprimer un intermédiaire et récupérer la totalité des parts du gâteau en ces temps difficiles où les taux d'intérêt bas rognent une partie de leurs marges », résume un courtier, très remonté.

 

« Imaginer se passer de nous est une grave erreur »

« Les taux bas ont bon dos, renchérit Philippe Taboret, directeur général adjoint du courtier Cafpi et président de l'Association professionnelle des intermédiaires en crédits (Apic). Face à un problème de marge, il revient aux banques de relever légèrement leurs taux, mais imaginer qu'on peut se passer de nous, c'est faire une grave erreur, elles seraient incapables de faire notre travail. »

L'association n'entend pas se laisser faire. Elle s'apprête à remettre à ses membres un guide des bonnes pratiques pour prévenir tout risque d'abus de position dominante de la part des banques. L'Apic envisage même d'envoyer un courrier recommandé de pré-contentieux à l'encontre « des caisses prêtes à dénoncer de manière brutale et unilatérale leur engagement commercial » avec les courtiers.

Et déjà, plusieurs acteurs fourbissent leurs armes en vue d'intenter une action en justice si ces tensions ne s'apaisent pas rapidement.

 

L'assurance emprunteur dans le viseur

Sans aller jusqu'à l'affrontement, de nombreuses banques ont opté pour renégocier leurs tarifs avec les courtiers. En tant qu'apporteurs d'affaires, ceux-ci perçoivent une commission fixée à 1 % du montant total de l'emprunt. « Ce montant est plafonné, mais il peut atteindre 5000 euros à 6000 euros par dossier, selon les sommes en jeu et les établissements », se plaint un banquier.

Une somme souvent complétée par des honoraires négociables – entre 1000 euros et 2000 euros selon le montant du prêt – versés par le particulier qui fait appel au courtier. Ça fait beaucoup pour un seul acteur », estime ce banquier. Son groupe comme d'autres proposent désormais de plafonner la commission due aux courtiers à 0,8 %.

Selon nos informations, la BPCE souhaite la diminuer de moitié (0,5 %) dans certaines villes de province. « Le pire, raconte un courtier, c'est que certains franchisés ont déjà accepté ces baisses de commission pour pouvoir continuer de travailler avec les banques. » En la matière, la palme reviendrait au Crédit Agricole Val de France qui aurait proposé de rémunérer cette année ses courtiers 0,2 %. « Cela revient à vouloir se passer de nous sans le dire ! » s'insurge l'un d'eux.

 

Conserver la mainmise sur l'assurance emprunteur

Outre la commission, les banques auraient aussi dans leur viseur l'assurance emprunteur. « C'est le réel motif et l'enjeu de ce conflit, assure même un courtier. Depuis les lois Lagarde, Hamon et plus récemment Bourquin (NDLR : lois facilitant la délégation d'assurance en dissociant l'assurance emprunteur du crédit), les banques font de la résistance pour conserver la mainmise sur l'assurance emprunteur, gage de marges certaines », explique le professionnel. Quitte à ruser.

Le Parisien – Aujourd'hui en France a pu consulter une convention en cours de renégociation avec un grand groupe bancaire où une étonnante clause stipule que le « périmètre d'intervention du courtier se limite à la recherche d'une solution de financement portant sur les crédits […] à l'exclusion du périmètre des contrats d'assurance emprunteur » … Pas sûr que le gendarme du secteur, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), apprécie.

© Le Parisien