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CFDT Crédit Agricole Languedoc

Syndicalisme et FN : Laurent Berger très remonté contre Hollande

7 Novembre 2016, 00:05am

Publié par CFDT CA Languedoc

Syndicalisme et FN : Laurent Berger très remonté contre Hollande

Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, juge les programmes de la droite « délirants » et fustige le « bal des ego » au PS. Il n'a pas apprécié certains commentaires de François Hollande, dévoilés dans le livre « Un président ne devrait pas dire ça ».

 

Paris Match. La CGT dénonce « une baisse artificielle » du chômage en septembre. Et vous ?
 

Laurent Berger. Un mois, il augmente de 50 000, le suivant il baisse de 60 000. Ce qui est important, ce n’est pas commenter les courbes, mais de parler de la situation des chômeurs aujourd’hui, des dispositifs d’accompagnement. Le chômage de masse reste anormal. Au lieu de cela, on parle du chômage comme si c’était un match de football sur lequel on pourrait se contenter de pronostiquer et commenter. Au contraire, il faut agir pour créer de l’emploi et aider les chômeurs.

 

Des programmes des candidats à la primaire de droite lequel jugez-vous le plus pertinent ?
 

La CFDT n’est pas une agence de notation pour la campagne des primaires puis pour la présidentielle, qui distribuerait bons et mauvais points. Nous voulons que les candidats parlent mieux du monde du travail. Pour y parvenir, nous avons lancé « Parlons travail », une grande enquête à laquelle 106 000 personnes ont déjà répondu, plus que nous l’espérions. Et cette enquête est toujours en ligne (www.parlonstravail.fr). Dans les programmes des candidats, rien n’est proposé sur les transitions numériques ou écologiques, aucun enjeu du futur n’apparaît dans les programmes. Personne ne parle non plus de la place du citoyen dans l’exercice du pouvoir demain. Il est très dangereux de faire croire que tout sera résolu par un homme providentiel ou une femme providentielle.

 

Tous veulent supprimer de nombreux fonctionnaires, jusqu’à 600 000. Y êtes-vous favorable ?
 

C’est du mensonge et de la manipulation. Il est scandaleux de pointer les fonctionnaires comme les responsables de notre situation actuelle. A parler de fonctionnaires, on ne parle plus des métiers, des enseignants, des policiers, des agents hospitaliers, de ceux qui collectent notre impôt… Ils sont pourtant la richesse de notre cohésion sociale et de notre modèle républicain. Les coupes d’effectifs annoncées sont délirantes. Quand ils annonceront moins de remplacements d’enseignants, moins de services publics, d’action sociale, les gens réagiront.

90% des élus syndicaux en entreprises continuent d'exercer leur activité professionnelle

Ils envisagent également développer le référendum en entreprises pour mettre fin aux 35 heures… Regrettez-vous votre soutien à ce dispositif ?
 

Plusieurs candidats veulent se passer des organisations syndicales dans l’entreprise. C’est insupportable. L’usage qu’ils veulent faire du référendum, c’est l’inverse de celui inscrit dans la loi Travail, qui prévoit cette consultation à la suite de la signature d’un accord qui ne peut être signé que par une organisation syndicale.

 

Alain Juppé veut que les syndicalistes passent la moitié de leur temps à exercer leur métier car il en a vu « trop déconnectés de la réalité de l’entreprise ». Vous sentez-vous visé ?
 

Il dit aussi qu’il faut limiter le nombre de mandats… Je rappelle que plusieurs candidats à la présidentielle, à droite comme à gauche, sont depuis si longtemps dans le système politique qu’ils ont connu plusieurs secrétaires généraux de la CFDT, qui eux sont passés à autre chose. Ces propos sont stigmatisant, 90% des élus syndicaux en entreprises continuent d’exercer leur activité professionnelle.

 

Après la prime embauche PME que vous avez dénoncée, le gouvernement prévoit, dans le projet de budget, de leur faire bénéficier d’un taux très bas d’impôt sur les sociétés. Cette mesure est-elle efficace ?
 

Les primes à l’embauche, comme plusieurs exonérations de charge, ont engendré des effets d’aubaine, difficiles à mesurer. Il faudrait exercer un contrôle social de ces dispositifs d’aides aux entreprises afin de s’assurer de la bonne utilisation de l’argent public. Plutôt que de baisser le taux d’impôt sur les sociétés, il faudrait une réforme de la fiscalité. Cette majorité l’avait annoncée, mais elle ne l’a pas faite. Il n’y aura plus de place demain pour les bricolages des uns et des autres.

 

Seuls 4% des Français soutiennent l'action du président de la République, selon le Cevipof. Pourquoi cette impopularité historique ?
 

Elle s’explique par le manque de sens donné aux réformes entreprises et par un livre sidérant. Les gens ont l’impression que les mesures se superposent sans cohérence. Le pouvoir est incapable de montrer la finalité de son action dans dix ans.

 

Dans un livre*, François Hollande vous qualifie de « type très malin, très courageux ». Ces compliments entament-ils votre crédibilité ?
 

Je n’attends pas du Président de la République des commentaires sur ma personnalité. Je n’en ai que faire. L’ultra-transparence n’est pas bonne pour cette fonction. La seule chose qui m’intéresse, c’est la situation des salariés.

 

Valls, Royal, Taubira… La gauche se livre au jeu des recours, qu’en pensez-vous ?
 

Les partis politiques n’ont pas réfléchi à l’état de la France. Ils n’ont, par conséquent, construit aucun projet. Faire croire qu’il ne s’agit que de volonté personnelle est une manière d’éluder l’enjeu. Nous voudrions un regard lucide sur l’état de notre pays : il suffit de lire le dernier rapport de France Stratégie pour comprendre que le pays fait face à un double problème : les inégalités et l’absence de perspectives. Si le PS préfère le bal des égos à la réflexion sur les idées, c’est son affaire.

Faire porter la responsabilité de la montée du Front national sur les syndicats est exaspérant

Jean-Luc Mélenchon, dans notre dernier sondage, fait jeu égal avec le candidat du PS. Craignez-vous l’éclatement du PS ?
 

Ce n’est pas mon problème. Nous interpellerons les candidats au début de l’année prochaine. Nous avons vu Emmanuel Macron, comme Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. La CFDT est disponible pour rencontrer ceux qui le veulent.

 

François Hollande dans le même livre dit que les classes populaires votent FN par « manque d’éducation » et parce qu’il n’y aurait pas « de syndicats forts, (…) en mesure, en milieu ouvrier, de dire "attention" » …
 

C’est faux. Je viens des classes populaires, mes parents sont issus du milieu ouvrier et, avec leurs amis et leurs collègues, ils ont toujours défendu des valeurs de tolérance et d’ouverture. Faire porter la responsabilité de la montée du Front national sur les syndicats est exaspérant. La CFDT pointe sans cesse les risques que fait peser ce parti. Parler d’un problème d’éducation, c’est aussi faire insulte aux classes populaires. Les responsables politiques eux-mêmes ne sont pas toujours clairs sur les questions de tolérance et d’antiracisme.

 

La CFDT n’avait pas donné de consigne de vote en 2012, mais a appelé à battre le FN en 2002 et en 2015 aux régionales. Recommenceriez-vous ?
 

Nous recommencerions. Mais le candidat qui serait face à Marine Le Pen, s’il est élu, n’obtiendrait pas notre blanc-seing sur sa façon d’exercer le pouvoir. Il manque aujourd’hui un attachement aux valeurs de notre pays, qui ont fait sa grandeur et lui ont permis de combattre ses zones d’ombre. Nous n’avons pas été à la hauteur sur l’accueil des migrants, par exemple. Il faudrait que tous les intérêts divergents soient entendus pour parvenir à un compromis démocratique. J’appelle la classe politique à se ressaisir pour la campagne présidentielle. Il n’est pas trop tard pour cesser les invectives et pour proposer des modèles de développement au pays.

Je soutiens le mouvement à iTélé

Les chantiers navals de Saint-Nazaire, votre région d’origine, vont être cédés par STX en faillite. Défendez-vous une nationalisation ?
 

Il faut un repreneur industriel européen pour STX France. La nationalisation n’aurait aucune utilité puisque l’Etat dispose déjà d’une minorité de blocage.

 

iTélé est en grève depuis près de deux semaines. Soutenez-vous ce mouvement ?
 

Je soutiens le mouvement. La direction ne peut pas dire à la majorité des salariés qui ne sont pas d’accord avec elle de quitter l’entreprise. Ils ont réagi en termes éthiques. Je ne crois pas que l’on puisse faire évoluer une entreprise sans écouter ses salariés.

 

Les élections pour les représentants des 4,5 millions de salariés des TPE auront lieu du 28 novembre au 12 décembre. Comptez-vous battre la CGT pour la première fois ?
 

Nous connaîtrons en mars la nouvelle mesure de représentativité dans le privé. Je ne veux pas faire de pronostics, mais je constate que notre type de syndicalisme intéresse. Nos progressions dans beaucoup d’entreprises, comme les Galeries Lafayette récemment, le prouvent. Pour les TPE, nous faisons campagne en expliquant tous les droits que la CFDT a déjà obtenus pour ces salariés et en nous battant pour qu’être salarié d’une petite entreprise ne soit pas synonyme de petits droits. 

 

*« Un président ne devrait pas dire ça », par Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ed. Stock