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CFDT Crédit Agricole Languedoc

Banques : se transformer rapidement ou périr ...

31 Janvier 2017, 01:02am

Publié par CFDT CA Languedoc

Banques : se transformer rapidement ou périr ...

« Il était une fois au royaume du monde bancaire, des banquiers qui vivaient heureux dans un monde protégé et pour lequel, eux et des générations avant eux avaient œuvrés pour créer ce monde des banquiers heureux, fait de marges, de bonus, de puissance, d’influences, de police d’assurance étatique, de condescendance parfois, … »

Ce conte idéalisé, même s’il peut paraître un peu caricatural, c’est celui de l’histoire bancaire des années 60 à nos jours. Le monde bancaire a vécu entre soi, grâce à une législation et une réglementation qui permettaient de limiter l’accès au « club ».

Alors bien évidemment, sur une aussi longue période, il y a bien eu des aléas qui sont venus bousculer certaines habitudes : les nationalisations, puis les privatisations, la libéralisation des prix, l’élargissement des marchés de capitaux et la désintermédiation, la crise financière de 2008, la réglementation, la compliance… Mais dans l’ensemble ces changements restaient dans le périmètre de traitement et d’influence du « club », et a permis même l’accroissement de certaines activités tels que la banque d’investissement.

Dans le même espace-temps, les banques ont fait d’énormes gains de productivité à travers des réorganisations et des investissements informatiques, qu’elles ont pour l’essentiel encaisser, en restituant assez peu à leurs clients. C’est ainsi que l’on a vu, à longueur d’année s’accumuler des performances économiques et financières considérables, autorisant même une croissance externe soutenue, permettant d’atteindre une forme de gigantisme, (graal du banquier en cas de pépin). Il suffit pour s’en convaincre de regarder la taille des bilans des grandes banques françaises, au moins pour 2 d’entre elles, il est supérieur au PIB de la France.

Et puis patatras, alors que tout se passait bien, les profits s’accumulaient en même temps que les certitudes (c’est souvent le cas dans les métiers à cycle long avec « l’effet stock » durable), l’alignement des planètes bancaires s’est contrarié et l’horizon s’est assombri.

La crise financière de 2008, a sans doute été un révélateur puissant, à travers une image durablement « écornée » du secteur, et le renforcement d’une réglementation bâloise, qui durcit les conditions d’exploitation (solvabilité, liquidité, leveraging), sans pour autant nous prémunir véritablement compte tenu des masses financières en jeu.

En parallèle, l’émergence des nouvelles technologies autour du digital et de nouveaux acteurs issus de ce monde, vient percuter les habitudes établies : les néo-mastodontes (GAFA), les « géotrouvetout » flexibles et manœuvrant (Fintech), les financements alternatifs, les opérateurs télécom…

 

Ces nouveaux acteurs n’ont pas tous la volonté de se transformer en banquier, mais ont compris que les activités bancaires sont au carrefour des transactions des clients et du traitement des données afférentes, source de valeur exponentielle. Leurs principaux atouts de différentiation : une vision orientée client avec les standards du e-commerce, la maîtrise des nouvelles technologies, la flexibilité, l’agilité et la simplicité dans le fonctionnement. En somme, ils ont intégré que le « client bancaire » évalue, teste, compare la prestation et le prix des services bancaires comme n’importe quel autre service.

Cet état de faits pourrait même conduire à reléguer l’activité bancaire au second plan, en sous-jacent des plates-formes de e-commerce dont les GAFA ont et auront la maîtrise (cf. étude KPMG sur The Invisible Bank).

Le contexte légal et réglementaire (tels que la Directive sur les paiements 2, ou la loi macron sur le transfert de comptes, émergence des virements instantanés, …) favorise également ces transformations.

 

Alors les banques traditionnelles sont-elles condamnées au déclin dans un tel contexte ?

Les banques à réseau traditionnelles ont des atouts historiques qui demeurent : la puissance financière, des fonds de commerce de taille importante, la maîtrise des circuits interbancaires nationaux et globaux, la fiabilité de leurs outils et procédures, …

Ces atouts sont bien réels mais ne suffiront pas pour contenir la déferlante en cours, qui submergera les « lignes Maginot » historiques. Ce tsunami du secteur financier, qu’il s’appelle : fintech, banques en lignes, orange bank, Gafa, paiements instantanés, loi macron, DSP 2, agrégation de comptes, Bâle 4, Atom Bank, etc. …, va transformer profondément le business model du secteur, en « renversant la table » sur la répartition du business et surtout sur le niveau des marges, à l’instar de ce qui s’est passé chez les opérateurs télécom. Les banques traditionnelles doivent se transformer rapidement, ce qui en l’espèce, est un peu contre-nature. C’est avant tout une révolution dans les têtes et les comportements qu’elles doivent opérer, pour penser et agir autrement pour gagner en manœuvrabilité.

Ainsi, les indicateurs avancés de ces transformations :

- La fréquentation des agences est en baisse très sensible ainsi en France depuis 2007 (elle baisse de 3 à 5 % en moyenne chaque année). Quel distributeur pourrait tenir longtemps en voyant ces milliers de magasins désertés par les clients ?

- Le niveau d’activité commerciale dans certains grands réseaux d’agence est en recul (de l’ordre de 10 à 15 %),

- Le succès croissant des banques en ligne (en nbre de clients et en volume d’opérations), qui certes ont une part de marché encore modeste (de l’ordre de 5 %), mais dont le succès va croissant en nbre de de clients et en volume d’opérations confiés. La dernière enquête BVA commandée par la Fédération Bancaire Française est révélatrice, sur l’appétence de plus en plus grande chaque année des jeunes générations et des plus de 34 ans (près du tiers) , vers un modèle de banque sans conseiller, et la confiance qu’ils auraient à utiliser des acteurs non bancaires pour l’ouverture et la gestion de leur compte. Et ce nombre croît chaque année de plusieurs points.

- L’extension du périmètre d’offres des banques en ligne et le traitement end-to end (crédit immobilier, assurance-vie, l’agrégation multi-banques,) en mode autonome pour le client et le foisonnement d’initiatives des fintechs,

- La politique tarifaire défensive des grands réseaux traditionnels, avec la mise en œuvre, l’extension et l’accroissement des frais de tenue de compte ces dernières années, peut se lire comme un levier à CT de préservation des comptes de résultat, mais à terme comme « un pousse au crime » visant à transférer un nombre de clients toujours plus grands, vers les acteurs digitaux du marché. Combien de clients accepteront encore de payer durablement 10 à 15 fois plus chers dans les réseaux traditionnels, des prestations et services que les banques digitales traitent de façon efficace (délais, qualité, jours et horaires de services, disponibilité, prix, …) ?

Le nouveau « business-model » des banques implique :

- Une réduction des volumes et des marges par le fait des nouveaux entrants et des conditions de marché (taux d’intérêt notamment)

- Une vraie et profonde transformation de la relation avec les clients.

Les banques traditionnelles se doivent de passer d’un discours client, à des pratiques véritablement orientée clients. Quelques pistes pour ce faire, à travers la redéfinition d’un modèle de valeur et de services pour les clients : en réinventant, le rôle et la complémentarité des canaux, les jours et horaires de services, en rééquilibrant le modèle de vente (proximité/distance) :

- Recréer du lien avec leur clients et leur écosystème en particulier en proximité (certaines initiatives vont dans ce sens : expérimentation des espaces de co-working, dans des agences), et en développant de nouveaux services de proximité (conciergerie, forum, …),

- L’agence doit devenir ou redevenir un espace d’échanges, de service et de valeur pour les clients, et pas des lieux certes rénovés, mais orientés exclusivement sur l’acte de vente,

- Refondre la politique de tarification autour de quelques principes : plus grande personnalisation des prix, mieux tenir compte des prix de revient et des gains de productivité associés, et plus différenciant (client/canaux) pour qu’elle soit vraiment incitative.

- Développer une vraie politique de fidélisation, pour qu’un client durable (beaucoup plus rentable, qu’un nouveau client) soit reconnu et inciter à le rester, ce qui est assez peu le cas aujourd’hui,

- Le client n’appartient pas à l’agence, c’est lui qui choisit ses modes d’interactions (où, quand et comment) : le rôle de la banque c’est de lui faciliter la vie en allégeant les rigidités de son organisation. Au-delà du nombre d’agences son rôle et son modèle de valeur (autour d’un vrai service) dans la relation globale doivent être profondément revisitée pour ne pas disparaitre complétement.

 

Alors, pour celles qui auront la lucidité et l’audace de le faire, ce modèle « disruptif » est aussi une formidable opportunité de rebattre les cartes et de faire bouger des parts de marché figées depuis trop longtemps. Certes, les conditions de marché (marges) seront sans doute plus serrées, mais le choix de la conservation et la passivité est une option bien plus risquée, car être acteur du changement est toujours préférable que de le subir.

Alors mesdames (elles sont peu nombreuses au sommet) et messieurs les Banquiers, la balle est dans votre camp. Les changements, que vous avez engagé restent trop timides, et leur rythme trop lent, en regard des enjeux et de ce qui se profile. Vous avez l’opportunité de mener une transformation historique et de recréer du lien avec vos clients. Vous le devez à vos clients, à vos collaborateurs et à vos actionnaires.

 

Laurent Noe

Senior Manager Consulting et Transformation

Business At Work - BAW