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CFDT Crédit Agricole Languedoc

Orange-Groupama: tigre de papier ou menace pour les banques ?

7 Janvier 2016, 00:05am

Publié par CFDT CA Languedoc

Pour lancer sa banque mobile l’an prochain, Stéphane Richard, PDG d’Orange, est en passe de prendre 65% de Groupama Banque. Si l’opération lui permet d’obtenir une licence bancaire, l’opérateur aura encore fort à faire pour dynamiser l’établissement.
Orange-Groupama: tigre de papier ou menace pour les banques ?

Stéphane Richard rêvait d’un partenariat avec Boursorama ou Crédit Mutuel Arkéa. Mais ces établissements en pointe dans le numérique n’ont pas voulu faire entrer le loup Orange dans leur bergerie. Pour lancer sa propre banque mobile dès 2017, l’opérateur a donc dû se rabattre sur un acteur de moindre notoriété, Groupama Banque, dont il compte prendre 65% du capital. « L’opérateur peut se donner les moyens d’ubériser les banques », estime Jocelyn Amégan, senior manager chez Cap Gemini consulting. Mais Groupama Banque est-il vraiment le bon partenaire pour y parvenir? Passage en revue des points forts et points faible de l’alliance annoncée.

 

Points forts:

- Une importante clientèle potentielle

« La force de frappe d’Orange banque tient dans l’importance des prospects qu’il va pouvoir démarcher », reconnaît un concurrent bancaire. Stéphane Richard insiste, en effet, sur ses 28 millions de clients télécoms d’Orange qui apprécient, assure-t-il, « la sécurité et la fiabilité des services » - deux qualités pré-requises pour se lancer dans l’univers bancaire. De son côté, Groupama Banque revendique 530.000 clients fin 2015. Le chiffre n’est pas négligeable au regard par exemple des 750.000 clients revendiqués par Boursorama.

 

- Pas encore née, déjà expérimentée!

Stéphane Richard l’annonce d’emblée: la « légitimité [de l’opérateur] dans l’univers des services financiers s’est déjà concrétisée ». En Pologne, il a lancé une banque intégralement digitale, Orange Finanse, depuis plus d’un an. Et surtout il compte 15 millions de clients pour son service de paiement mobile Orange Money, sur la zone Afrique Moyen-Orient. De son côté, Groupama banque a déjà plus de six années d’existence derrière elle, y compris dans la banque mobile. Et elle a l’avantage de disposer d’une licence bancaire, dont l’acquisition fera gagner un temps précieux à Orange pour ses nouvelles aventures.

 

- Plutôt « phygital » que purement numérique

Thierry Martel, directeur général de Groupama, s’enthousiasme déjà en annonçant la naissance, grâce à ce partenariat, d’une « banque 4.0 », transformant le mobile « en véritable agence de banque et d’assurance toujours présente dans votre poche. » La démarche est en réalité plus prudente – et plus conforme à l’ancrage mutualiste dans les territoires: la future entité commune pourra s’appuyer sur les 3.000 agences des réseaux Groupama additionné des 850 agences Orange. Soit plus que les 2.246 agences de la Société Générale. Ce réseau « phygital », comme le dénomme Jocelyn Amégan, pourra s’avérer utile pour le dépôt de chèque ou le retrait de carte bancaire par exemple.

 

Points faibles:

- Une banque en ligne à dynamiser

Bousculée par la crise qui a secoué sa maison mère, Groupama banque n’est pas parvenue jusqu’ici à surfer sur la vague numérique. Dans son dernier rapport en ligne, portant sur l’année 2014, l’établissement notait pudiquement « la banque au quotidien doit être relancée. » Le nombre de nouveaux comptes avait en effet été divisé par deux, pour se limiter à 4.664 ouvertures. Surtout, seule la moitié de ces comptes sont équipés de cartes bancaires… et moins d’un quart sont véritablement actifs. Prochain actionnaire majoritaire, Orange va avoir fort à faire pour dynamiser l’établissement.

 

- Une clientèle atypique

Les agents généraux du Gan, qui font partir du réseau de Groupama banque, démarchent certes une clientèle urbaine et geek. Mais globalement, Groupama banque recrute surtout dans son univers d’origine: l’agriculture. Les céréaliers (coopératives et petits exploitants) représentent ainsi près de la moitié de l’exposition des marchés entreprise et professionnels. L’établissement soulignait dans son rapport annuel 2014 que « les projets de développement des nouveaux produits et services concernent principalement les produits d’épargne à destination du monde agricole ». Pas certain que ce soit là une clientèle prioritaire pour la future banque mobile d’Orange.

 

- Une gouvernance compliquée

Aujourd’hui, le conseil d’administration de Groupama banque est constitué à la mode mutualiste, tenant compte des forts ancrages locaux. Groupama d’Oc, de Méditerranée, de Rhône Alpes Auvergne, etc. : tous sont au tour de table. Même majoritaire, le très jacobin Orange, avec ses ambitions nationales sinon internationales affichées, pourrait se trouver peu à l’aise dans une telle organisation. Le parachutage dans cette organisation de Laurent Paillassot, ex-directeur général délégué de LCL, recruté en mai par Orange pour lancer son activité bancaire, promet d’être périlleux.

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